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Chronique Asie

Place Tiananmen, une scène pour l’histoire

Any Bourrier 

		(Photo: RFI)
Any Bourrier
(Photo: RFI)
La place Tiananmen est une esplanade de 40 hectares, une brèche ouverte entre la Cité interdite des mandarins et la ville chinoise des marchands. Elle  est née en 1958 de la volonté politique de Mao Zedong pour servir les besoins du régime communiste. Dès sa création, la place a été conçue comme un espace abstrait et symbolique, où le pouvoir chinois mettait en scène sa propre légitimité.

Deux acteurs y jouaient sans relâche : les masses et les dirigeants.  La chaussée de l’esplanade était réservée aux masses,  tandis que le pouvoir s’était approprié du  décor. A commencer par le Palais du Peuple, au nord-ouest, où se réunissent les délégués lors des Congrès du Parti communiste et les députés de l’Assemblée nationale populaire. C’est le lieu de toutes les pompes, des discours, des banquets et des défilés militaires. C’est aussi le lieu où sont accueillis les chefs d’état étrangers.

Au sud, un immense portrait de Mao Zedong a été accroché aux murs vermillon, pour rappeler le souvenir du fondateur de cette esplanade mythique. Le pouvoir réel, quant à lui, siège à l’écart de la place, de l’autre côté de l’avenue Chang’ an, la plus importante de la capitale chinoise. Depuis 1949, il est installé dans les villas du parc Zhongnanhai, qui servent de résidence aux dirigeants. Situé à proximité immédiate de l’ancien Palais impérial, derrière des murailles couleur pourpre, Zhongnanhai  entoure le pouvoir communiste de l’aura du mandat céleste propre aux  fondateurs des dynasties qui ont gouverné la Chine.

Pendant  40 ans, Tiananmen était  le haut lieu de   communion entre dirigeants et dirigés, notamment au moment des grands défilés du 1er octobre ou du 1er mai. La liesse populaire, les bannières, les banderoles, les feux d’artifice lui donnaient  sa véritable dimension : elle était la scène idéale pour l’accomplissement des rites qui conditionnent l’exercice du pouvoir en Chine.

En choisissant de porter leur défi sur le terrain symbolique de Tiananmen, les étudiants du Printemps de Pékin ont porté au pouvoir un coup plus grave que n’aurait pu le faire un soulèvement armé. En conquérant la place, les étudiants ont repris leur liberté de parole et ont réinventé leur rôle, en contrariant ainsi les stratégies symboliques du régime. Dépossédé de ses rites, le pouvoir ne pouvait plus accomplir ses cérémonies. Le 3 juin au soir, après avoir réglé leurs comptes entre eux, les maîtres de la Chine sont passés à la contre-attaque et à  la reconquête  militaire de la place. Aujourd’hui, Tiananmen est redevenue vide et silencieuse. Reste à savoir pour combien de temps.


par Any  Bourrier

[02/06/2004]

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