Le Mali sera-t-il prêt ?
3
janvier 2002
A
quinze jours du coup denvoi de la CAN 2002, le compte
à rebours finit de ségréner pour le pays hôte. Question :
le Mali sera-t-il prêt pour le rendez-vous quil a fixé
au football africain ?
De
notre correspondant à Bamako
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«Si
le Mali remporte, la coupe au soir du 10 février, je chanterai
une chanson pour les Aigles avec ma plus belle voix»,
a déclaré le président malien Alpha Oumar Konaré. © AFP
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Le
jour J, celui de louverture de la CAN 2002, approche
à grands pas. A deux semaines du 19 janvier, le Mali est «badigeonné»
aux couleurs du football. Sur les bus, dans les grandes artères,
ou encore sur le fronton de certains bistrots montés pour
loccasion, un seul et même mot dordre: CAN 2002.
Une place de la CAN a même été inaugurée par le président
de la République, Alpha Oumar Konaré, et Issa Hayatou, le
président de la CAF (Confédération africaine de football).
Sur cette place trône lemblème des seize pays qui participeront
à cette phase finale. Par ailleurs, une avenue de la Confédération
africaine de football a également été baptisée.
A
Bamako, il est impossible déchapper aux commentaires
sur cet événement majeur. «Cest
peut-être la seule fois que le Mali organisera la manifestation.
Alors on met le paquet» confie Ali Diarra, ingénieur malien,
dans son grin, regroupement quotidien damis où
lon cause autour dun verre de thé à la menthe.
Son ami de quartier, lui, pronostique la future victoire de
léquipe nationale du Mali. «Impossible»
rétorque son pote Djibril : «Notre
équipe nest pas au point». Deux compères réagissent
immédiatement : «Nos sept matchs amicaux internationaux ont
été concluants grâce à lossature de léquipe composée
essentiellement de professionnels; et puis le nouvel entraîneur
fera des miracles». Pour couper court à une discussion
qui tourne au vinaigre, le «doyen» du groupe conseille: «Allons
massivement au stade soutenir les Aigles, surtout que les
prix des billets sont très abordables». Les places les
moins chères devraient être vendues à partir de 500 francs
CFA (0,76 euros). Le Président de la République Alpha Oumar
Konaré y va aussi de son couplet : « Je
vous promets quelque chose : si le Mali remporte, la coupe
au soir du 10 février, je chanterai une chanson pour les Aigles
avec ma plus belle voix », a t-il déclaré devant joueurs
et encadrements sportifs médusés.
Le
rêve fou de Konaré
En
fait, rares sont les personnes qui pariaient sur la capacité
du Mali à organiser la compétition, ce que certains appèlent
«le rêve fou du président Konaré». Ici,
les autorités mettent les bouchées doubles pour la réussite
de lopération. Ainsi, on a mis les petits plats dans
les grands avec plus de soixante milliards de francs CFA (90
millions deuros) dinvestissements. Les stades
flambants neufs sont prêts dans les cinq villes maliennes
qui abriteront la manifestation : Bamako, Sikasso, Mopti,
Ségou, et Kayes. «Si, pour organiser la Coupe il fallait seulement des stades, le Mali est
prêt» tonne un responsable du Cocan. Hélas, il faut beaucoup
plus. Dans trois des cinq sites, des aéroports ont été rénovés.
Dans le cadre de la coopération Sud-Sud, lAfrique du
Sud fournira quelques avions pour relier les cinq villes qui
seront sous les projecteurs. Le Maroc a fourni de son côté
quelques groupes électrogènes. Des routes ont été bitumées.
Des chantiers ouverts.
Le
pays a été toiletté grâce à une opération une gigantesque
du nom de «coup de balai». Hommes politiques, responsables
dONG, hommes en uniformes, citoyen lambda, avec un véritable
engouement tout le monde met ici à la patte. «Nous
sommes un pays pauvre certes, mais à nos étrangers nous devons
montrer que nous sommes propres», justifie le président
Konaré, qui balai à la main donnait lexemple dans un
quartier populaire de Bamako. Du coup, la capitale malienne
et les quatre autres villes changent de physionomie. Mais
de lavis dun membre de la Confédération africaine
de football (CAF) «il
reste des efforts à fournir».
Le
véritable casse-tête, ici, sera sûrement celui du logement.
«Depuis deux semaines
mon standard croule dappels. Des réservations, rien
que des réservations. Or je nai plus de places»
regrette une Française, Mme Doré, qui tient lun des
hôtels les plus huppés de la capitale. Officiellement, il
nexiste pas de chiffres précis sur la capacité hôtelière
du Mali. Mais de lavis des professionnels du secteur,
«cest impossible,
les places disponibles dans tous les hôtels ne suffiront surtout
que la période tombe sur la saison touristique». Alors
faut-il faire dormir les hôtes à la belle étoile? «Non
pas du tout, nous nous organisons en conséquence» fulmine
le ministre malien de la Jeunesse et des Sports visiblement
débordé. Et en signe de protestation il énumère : environ
300 villas qui constitueront les «villages CAN» sont terminées
ou en voie de lêtre dans les cinq villes. Les propriétaires
de domiciles privés ont lintention de louer leurs villas,
question de mettre du beurre dans leurs épinards. Dautres
fortunés ont fait construire en moins de trois mois des villas
quil reloueront au prix fort. De source autorisée, on
indique que des bâtiments, logements administratifs seront
réquisitionnés. Bref tout faire pourvu que la fête soit belle.
Même
situation pour les transports. Mais là pour inciter les opérateurs
à importer les véhicules, le gouvernement malien à réduit
les droits de douanes. Cela dit franchement, des cinq villes,
seulement Bamako et Sikasso sont quasiment prêtes. Information
confirmée par les responsables du comité dorganisation
de la Coupe qui sempressent dajouter «que tout sera prêt le jour J». Les villes de Mopti et de Kayes «moins bien loties» auront droit à un programme
bien allégé. Alors que Ségou pourra «tenir le coup».
«Tout
commencera dans un gigantesque cafouillage, ainsi que cela
s est fait sans exception à toutes les CAN. Puis ce
qui pourra être rectifié dans le sens de lacceptable
le sera dans la première semaine. Enfin, le reste se gérera
coups de compromis à lafricaine» prévoit un éditorialiste
de la presse malienne.
Et
puis comme sil entrevoyait les difficultés qui pourraient
surgir, le Président Konaré a sorti de terre le concept du
diatiguiya. Par ce mot bambara qui signifie littéralement
«lhospitalité» le chef de lEtat
malien invite les citoyens à réserver
«un accueil digne du Mali aux hôtes». Ce concept fait
déjà son effet. De passage récemment à Bamako, le président
de la CAF a déclaré à la presse que «depuis 1957 que la CAF existe, cest au
Mali quon a été le mieux reçu». Noublions
pas a t-il poursuivi que cest la première fois quun
pays africain organise la manifestation dans autant de villes.
Reste
une question. Où seront logés le centre nerveux de lorganisation
et le centre de presse? Réponse: dans limmense palais
des congrès de Bamako. «Nous avons estimé que pour la bonne
marche de la coupe, tout ce monde devait cohabiter» confie
Kadi Cissé chef du protocole au Cocan (Comité dorganisation
de la CAN). Bref ! le Mali organisera une CAN «à la malienne ». Mais à «la malienne» cest «toujours quelque chose doriginal».
Serge
Daniel
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