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Les femmes sont de la partie
(23 janvier 2002)

«Le foot ? Il y a beaucoup de femmes qui aiment trop ça!» © Patrice Tharreau

Les Maliennes et le football ? De Mopti à Gao, de Ségou à Bamako, près de 500 joueuses taquineraient assidûment le ballon rond. Quant aux supporteurs dans les rangs féminins, la question ne se pose même pas : le football n'est-il pas le sport national au Mali ?

«Le foot ? Il y a beaucoup de femmes qui aiment trop ça !, assure Sey, 22 ans, une casquette vissée sur ses tresses. C'est même moi qui ai amené mon mari au stade !». Si le match d'ouverture de la 23ème Coupe d'Afrique des Nations a drainé son lot de spectatrices enfiévrées, il faut reconnaître qu'elles ne sont pas légion, exception faite des stadiers. Ça et là, une femme en boubou, une fille à l'allure sportive, une autre drapée dans une étoffe aux couleurs du Mali, ou une brochette d'adolescentes en jean et top moulants. De 30 à 40% des supporters sont des femmes, avançait la veille un entraîneur local. Le constat du jour fait chuter ses statistiques, malgré la présence des Aigles du Mali.

Dans les rues de Bamako, le baromètre reste mitigé. Au détour de quelques «grins», ces groupements d'amis qui prolongent au coin des rues la tradition de l'arbre à palabres et donnent une idée des mentalités, les filles affirment aimer le foot, avant de sécher sur l'horaire et l'adversaire pour la première rencontre de l'équipe malienne ! Quoique certaines sont calées. Comme Fatoumata, 21 ans, et sa cadette, Rokia : «Dans le groupe A du Mali ? Liberia, Algérie et Nigeria. Et mon joueur préféré, c'est Vincent Doukanté». Autre mordue, croisée au stade du 26 mars, Aïssata Coulibaly, fringante cinquantenaire. «Depuis ma tendre enfance, je suis passionnée de foot, s'amuse-t-elle. Mon frère était un grand joueur de foot (Bouraka Niambélé) et il nous emmenait au stade avec mes sœurs. Mes équipes favorites ? Le PSG et l'OM», s'exclame cette mère de famille qui avoue avoir appris l'ingénierie informatique en France. De son avis, les femmes ne sont pas de grandes ferventes du ballon rond, notamment celles dont la principale occupation est de tenir le foyer. La jeune génération, peut-être. «La CAN est un succès, mais en tant que phénomène social».

Difficile d'y échapper en effet, alors que le président a interpellé la «jeunesse malienne» à honorer sa tradition d'hospitalité, ou que les congés de Noël ont été alignés sur le calendrier de la Coupe. «L'école malienne soutient la CAN 2002», peut-on lire sur les uniformes scolaires. Peut-être les joueurs suscitent-ils également plus d'engouement que le sport qui fait leur célébrité ? «Vous n'avez pas assisté à l'arrivée des équipes à l'aéroport?, plaide une adolescente. Il y a plus de filles à les attendre!»

On trouve aussi des femmes sur le terrain

Côté logistique et encadrement, les femmes ne sont pas sur le bord de la route. Protocole, gestion du personnel, marketing, finances, elles tiennent plusieurs postes-clefs pour l'organisation de la CAN 2002. «Et de poing ferme», commente un proche du comité. Il le faut, par exemple, pour faire front aux hordes de demandes d'accréditation. Près de 5000 badges distribués, dont 1600 pour la presse : une responsabilité orchestrée avec fermeté par madame Konaté, assistante du secrétaire général du COCAN. «Quand nous avons constitué le comité d'organisation de la CAN, il y a trois ans, commente-t-elle, nous étions 18 femmes pour un effectifs d'une cinquantaine de personnes, mais toutes de niveau cadre. Et c'est une femme qui a supervisé la construction de tous les stades».

Gros boulot en effet. C'est également une femme qui dirige le centre Kabala, la retraite des Aigles à l'instar de Clairefontaine en France. Idem pour le stade du 26 mars. «Directrice ?», s'étonne sans arrière-pensée mais en connaisseurs des habitudes locales Faouzi Mahjoub, le chef de la presse de la Confédération Africaine de Football. Pardon, directrice-adjointe, plus précisémment.

On trouve aussi des femmes sur le terrain. Car les Maliennes jouent. Et ce qui est incontestable, c'est qu'elles portent haut les couleurs du football national dans la sous-région: elles ont enlevé la coupe du premier tournoi des Cinq Nations en août 2000, cédant cette saison leur place en finale. L'entraîneur des Super Lionnes d'Hamdallaye, une des neuf équipes féminines de Bamako, exhibe le trophée, ses joueuses composant la majeure partie de l'équipe nationale. «Le football féminin est en train de monter au Mali», poursuit Ibrahim Bagayoko, se félicitant de l'émancipation des femmes grâce au sport. Dans son club, qui compte près de 50 joueuses au lieu d'une vingtaine il y a dix ans, la scolarité est prise en charge, incitant plus volontiers les mères à laisser s'échapper après l'école celles qui les secondent habituellement. «Les esprits s'ouvrent d'autant plus que les filles reçoivent une prime à chaque victoire». Sentiment de fierté, action sociale: but !

Anne-Laure Murier