Gérard
Dreyfus répond à vos questions
22 janvier 2002
Photo : Philippe Couve
/ RFI |
Devant le nombre sans cesse croissant
de vos questions, Gérard Dreyfus a préféré
les regrouper et y répondre.
Premiers sentiments sur
la CAN 2002?
Gérard Dreyfus
: Bonne ambiance, accueil sympathique, public de connaisseurs.
Bonne organisation. D'autant meilleure que tout le monde
a eu des doutes jusqu'au dernier moment.
Pourquoi ne pas appliquer
le système de vidéo-assistance pour les
arbitres tel qu'il existe déjà dans d'autres
sports ?
Gérard Dreyfus
: Le principe est très séduisant. La
mise en place est beaucoup plus complexe. Le principal
obstacle serait, d'une part, le risque de morcellement
de la rencontre qui risquerait de s'arrêter plusieurs
dizaines de secondes, le temps de revoir et de re-revoir
l'action litigieuse ; d'autre part, disposerait-on de
suffisamment de caméras autour du but pour décortiquer
chaque action précédant le but. L'idée
est bonne ; la mise en application très difficile.
Primes ou pas primes de
match ?
Gérard Dreyfus
: Toutes les équipes présentes à
la CAN ont défini, avant d'arriver ici, le montant
des primes et la discussion a parfois donné lieu
à des menaces de boycott des joueurs. En principe
une prime est allouée pour les victoires et pour
les résultats nuls. Elle va s'accroissant pour
les quarts, demi et finale. Souvent elles sont améliorées
par les Chefs d'Etats. Dans certains pays, on a trouvé
un système de primes aux points marqués,
ce qui est peut-être la meilleure formule.
La télévision
et la CAN
Gérard Dreyfus
: Une chaîne de télévision transmet,
en France, les images de la CAN. Il s'agit d'Eurosport
qui a prévu de diffuser dix-huit rencontres. En
Afrique, ART (Arabie Saoudite) a acquis les droits pour
les pays du Nord, mais a revendu une partie de ces droits
aux chaînes nationales (Algérie, Egypte,
Maroc, Tunisie). L'Afrique sub-saharienne est couverte
par la chaîne sud-africaine, TV.Africa, selon une
formule qui a suscité beaucoup de polémiques
; Les droits ont également été acquis
pars la chaîne à péage, Canal+ Horizons.
Il faut savoir que les droits audiovisuels ont été
vendus jusque 2006 au Groupe JCDarmon qui les revend à
qui bon lui semble.
Quelles retombées
après la CAN pour le Mali ?
Gérard Dreyfus
: Elles sont difficiles à analyser pour qui
n'est pas un spécialiste des dossiers économiques.
Ce que je retiens, c'est, d'une part, que le pays s'est
doté d'infrastructures sportives et extra-sportives
qu'il n'aurait pas eu sans la CAN de sitôt. Routes,
électrification de certaines zones, installations
médicales, etc. ; d'autre part, on aura parlé,
pendant un mois, dans le monde entier du pays comme jamais
auparavant. C'est donc aussi une très importante
opération image, difficilement quantifiable.
Que pensez-vous de la
RDC, de la Côte d'Ivoire, de telle ou telle équipe
?
Gérard Dreyfus
: Sachez qu'un journaliste ne peut plus assister à
tous les matches comme c'était le cas lorsqu'il
n'y avait que deux poules de quatre équipes. Aujourd'hui,
nous sommes dans la presque obligation de nous fixer sur
un seul site de compétition. Par conséquent,
il est difficile de porter un quelconque jugement sur
une équipe qu'on n'a vu qu'à la télévision.
Ce que j'espère, c'est de pouvoir observer au moins
une fois chaque équipe dans le stade.
Quel pronostic ?
Gérard Dreyfus
: J'ai dit avant la CAN que cette édition se
présentait comme une des plus ouvertes de l'histoire.
Parce que je ne sais pas quelle sera la constance des
pros, la détermination des cadres techniques, je
parle des prochains mondialistes. Et parce que le nivellement
du football africain est patent. Personne n'est vraiment
au-dessus du lot, et les présumés plus faibles
(surtout pour des raisons économiques) ont comblé
une bonne partie de leur retard.
Que pensez-vous du football
sénégalais ?
Gérard Dreyfus
: C'est la révélation, tout le monde
en convient, de l'année 2001. Sa qualification
pour le Mondial est admirable. Mais, ne nous trompons
pas, c'est le talent des joueurs et non pas la valeur
du championnat national qui a permis aux Lions d'occuper
le devant de la scène. Le Sénégal
bénéficie d'une génération
de très bons joueurs. Si on ne modifie pas en profondeur
l'organisation du football dans le pays, j'ai peur que
la suite soit difficile.
J'ai toujours été étonné que
les Sénégalais, incontestablement doués,
ne s'épanouissent et ne démontrent leur
talent, qu'une fois partis à l'étranger.
Sur les rapports Coupe d'Afrique-Coupe du Monde
Gérard Dreyfus
: On peut ne pas être d'accord avec la formule
de la CAN qualificative à la Coupe du Monde. Mais
la multiplication des rencontres avec, en parallèle,
les éliminatoires de la CAN et du Mondial, était
une entrave à la carrière professionnelle
des joueurs, payés par leurs clubs et pas par leurs
fédérations. La bonne organisation du football
aurait préconisé que les responsables d'équipes
ne fassent pas toujours appel à leurs joueurs expatriés.
Pourquoi ne pas envisager des CAN avec plus de locaux
que de pros ? J'en suis un farouche partisan, et je vous
rappelle que jusque 1982, les règlements stipulaient
qu'on ne pouvait pas aligner plus de deux expatriés.
La CAN est devenue la vitrine des pros, pas vraiment celle
du foot africain.
L'idéal serait que la CAN soit jouée tous
les quatre ans comme l'Euro. On y viendra nécessairement
à l'horizon 2020 peut-être, mais je ne suis
pas devin.
Mon sentiment sur l'arbitrage
Gérard Dreyfus
: J'ai pris pour principe de ne jamais porter un jugement
sur les arbitres, sauf en cas de grosse faute professionnelle
(exemple l'arbitre assistant de la dernière finale
qui regardait Ikpeba et non la ligne comme il aurait dû
le faire). Pour être dans les tribunes sans avoir
à mes côtés un écran de contrôle,
je sais combien il est difficile de porter un jugement
immédiat sur une action litigieuse. L'erreur est
humaine à condition qu'elle ne soit pas trop répétitive
dans une partie. De plus l'arbitrage africain n'est pas
aussi mauvais que certains veulent le faire croire. Un
Africain n'a-t-il pas dirigé la finale du dernier
Mondial ?
Retour