Gerard
Dreyfus face aux internautes
Photo : Philippe Couve
/ RFI
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A un mois du coup
d'envoi de la Coupe d'Afrique des nations, Gérard
Dreyfus de RFI s'est livré pendant une heure
le 17 décembre 2001 au jeu des questions/réponses
avec les internautes.
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Bonsoir, nous sommes très
heureux de recevoir Gérard Dreyfus.
Bonjour ou bonsoir à tous ! Je suis heureux d'expérimenter
en votre compagnie ce nouveau mode d'expression et cette
faculté de dialoguer presque en tête à
tête avec chacun d'entre-vous.
Julien : Sur quels critères
le Mali a-t-il été choisi pour organiser
la CAN ?
Le Mali a été désigné en janvier
1998 à l'issue d'un vote qui l'a porté en
tête devant l'Egypte et l'Algérie. C'était
le vote de l'assemblée générale de
la Confédération africaine de football.
C'était un pari redoutable car à l'époque
le Mali ne disposait d'aucune infrastructure, à
commencer par les stades, il n'y en avait aucun. La CAF
prenait un gros risque.
Kim : Quelle sera la couverture
de RFI de cette manifestation ?
RFI couvrira comme elle le fait depuis quasiment 30 ans
l'ensemble des matches en direct sur ses antennes. Tous
les jours, vous pourrez entendre les différents
journaux de la CAN avec bien sûr notre consultant
Joseph-Antoine Bell. La grande innovation, c'est la création
d'un site exclusivement consacré à la compétition
dont je m'occuperais personnellement.
magass : Je suis très
content de retrouver Gérard Dreyfus pour parler
de foot en général. A quoi sert réellement
une équipe nationale africaine composée
de joueurs locaux dans la plupart des cas ?
Le problème c'est que les grandes équipes
africaines réunissent pour la plupart des joueurs
qui n'évoluent plus dans leurs championnats nationaux.
La qualité des joueurs africains, leur faible coût
(par rapport à certains européens ou latino-américains)
fait qu'ils sont aujourd'hui encore extrêmement
sollicités. Ils représentent sur le marché
le meilleur rapport qualité-prix.
Ils apportent leurs qualités naturelles au football
européen, j'ai recensé plus de cent nigérians
évoluant dans des clubs de première division
en Europe. Les Ghanéens, les Camerounais sont également
sollicités. Cet exode massif appauvrit le foot
africain dans son expression quotidienne mais comment
empêcher Okocha d'aller gagner 1,1 millions de francs
par mois ou bien Ibrahima Bakayoko de toucher 800 000
francs à Marseille. Le meilleur africain en Tunisie
peut gagner jusqu'à 25 000 francs par mois. A peu
près l'identique en Egypte, partout ailleurs les
meilleurs salaires sont bien moindres. Dans ces conditions,
le départ des meilleurs footballeurs africains,
et même des autres, est loin d'être terminé.
raphy : Avez-vous un lien
de parenté avec Robert-Louis Dreyfus, président
de l'OM ? Quels sont les tarifs des droits de retransmission
de la CAN ? Que penses-tu d'une coupe Europe-Afrique mélangeant
tous les clubs ?
Aucun lien de parenté avec Robert-Louis Dreyfus,
même si nous avons peut-être de lointaines
origines communes. Il faut savoir qu'en France, il n'y
avait pas d'état-civil pour les Juifs avant 1789.
Les tarifs restent secrets. TV Africa, la chaîne
sud-africaine a acheté les droits pour l'Afrique
sub-saharienne je pense environ un million de dollars.
La chaîne saoudienne ART a dû payer un peu
plus, mais elle a acheté toutes les compétitions
du foot africain pour tous ses téléspectateurs
répartis dans le monde. Cette chaîne va avoir
dorénavant deux programmes de sport distincts.
Canal Horizons a également acheté les droits.
Comme tu le constates, la notion d'exclusivité
est très floue. Grande novation, les radios sont
également tenues d'acquitter des droits. Je dirai
à la tête du client ! Ce qui a du mal à
passer à RFI car depuis plus de trente ans nous
nous battons au quotidien pour servir non seulement le
foot, mais l'ensemble du sport africain. On a parfois
le sentiment que certains, aujourd'hui, nous disent :
passez votre chemin messieurs, il n'y a rien à
voir. L'idée est séduisante, maintenant,
elle est irréalisable compte tenu des calendriers
déjà démentiels, imposés aux
joueurs.
Jojo : Parlant du village
CAN pour les seize équipes qualifiées, ce
village répond-t-il aux besoins de ces équipes
?
Sans doute, non. Le problème, c'est qu'il aurait
fallu construire des infrastructures hôtelières,
question : qu'est-ce que l'on en aurait fait ensuite ?
Le Mali a-t-il les moyens d'investir dans une Coupe d'Afrique
et de jeter, en quelque sorte, l'argent par les fenêtres
? Au départ, il avait été prévu
que huit équipes sur les seize logent dans le même
hôtel à Bamako. Le Sénégal
a pris les devants en choisissant un autre lieu d'hébergement
que celui désigné. Pareil pour l'Algérie
et pour le pays organisateur. Certains en arrivant risquent
de râler. Espérons que tout se passera bien.
velentinvov : Le gardien
de but togolais Agassa a son contrat avec Metz qui est
conditionné par sa non-participation à la
CAN 2002. Quelle est votre point de vue ? Quel conseil
donneriez-vous à la Fédération togolaise
de football pour récupérer son joueur ?
Il y a quelques années, je crois que c'était
en 2000, à la veille de la CAN, le président
Molinari avait juré ses grands dieux qu'il n'engagerait
plus de joueurs africains car il en avait marre de les
voir partir pour porter le maillot de l'équipe
nationale. Apparemment, il a changé d'avis. Un
footballeur africain reste une opportunité. Le
problème aujourd'hui, c'est que Metz va être
privé de Songo'o et qu'il lui faut un remplaçant.
Si Metz veut Agassa, c'est qu'il est bon. Donc s'il est
bon, il peut trouver plus tard un autre club que Metz.
Le chantage du club est inadmissible. Je renvoie d'ailleurs
monsieur Molinari à l'attitude de Roger Lemerre
lorsqu'il s'est agit de sélectionner une équipe
de France pour le match en Australie. La fédération
togolaise doit être intransigeante. La CAN n'est
pas une vulgaire coupe de quartier.
jeandusen : Pensez- vous
que le Sénégal avec son effectif peut gagner
la CAN cette année ?
C'est l'attraction de la CAN, l'équipe la plus
attendue depuis sa qualification surprise pour la Coupe
du Monde. Avec ses joueurs, aujourd'hui, elle ne redoute
personne en Afrique. Mais je ne sais pas si vous avez
suivi l'aventure de 1986, la CAN égyptienne était
taillée sur mesure pour le Sénégal
qui a été éliminé dès
le premier tour. L'un des gros points d'interrogation
est de savoir si les joueurs donneront le maximum d'eux-mêmes
en sachant que des batailles difficiles les attendent
dans le championnat de France à leur retour, et
s'ils n'en garderont pas sous la semelle dans la perspective
de la Coupe du Monde. Jusqu'à présent les
entraîneurs qui plaçaient dans la même
perspective CAN et Coupe du Monde ont souvent délaissé
la CAN.
Ousmane : Pensez-vous
que Bruno Metsu fera appel à Fary Faye (2e meilleur
buteur de D1 au Portugal) ? Quelle est la date limite
pour les équipes pour communiquer leur liste des
22 joueurs à la CAF ?
Il faut que Metsu fasse appel à Fari Faye actuel
meilleur buteur du championnat du Portugal.
Ce sera le meilleur test possible avant le mondial. Une
éventuelle solution de remplacement en cas de défaillance
D'El Hadji Diouf. Sauf erreur, la liste doit être
donnée huit jours avant le début de la compétition.
fopros : Quelles sont
les chances des Eperviers du Togo ? valentnvov : Que pensez-vous
de l'équipe nationale togolaise ? Le Togolais :
Peux-tu déjà parler de la prestation du
Togo à la future CAN ?
Le Togo vient de réaliser une bonne performance
en allant battre le Burkina Faso chez lui.
C'est une équipe qui avait été éliminée
de justesse il y a deux ans dans un groupe très
difficile, s'inclinant à la différence de
buts derrière la Cameroun et le Ghana. Très
sincèrement, je ne vois pas les éperviers
gagner la CAN. Ils sont à nouveau dans un groupe
difficile, presque que le même qu'au Ghana, mais
je suis convaincu qu'ils finiront un jour par passer le
premier tour.
Pourquoi pas à Sikasso ? La bonne nouvelle, c'est
que l'entraîneur est un national, celui qui a qualifié
l'équipe, c'est quand même mieux que la dernière
fois !
magass : Qu'est-ce que
le Mali doit espérer en termes de résultats
dans cette coupe. Pronostiquez.
J'ai vu le Mali contre la Maroc récemment. C'est
un grand point d'interrogation. Si la pression n'est pas
trop forte, l'équipe peut passer le premier tour.
Elle n'est pas favorite, ni de son groupe, ni de la Coupe.
Il faut qu'elle aborde l'épreuve avec beaucoup
d'humilité. A Settate, elle m'a semblé capable
de beaucoup de progression. Elle a dominé le Maroc
dans la dernière demi-heure. Personnellement, j'aime
bien Kasperczak, c'est un travailleur, il fera le maximum.
Je regrette, comme tous les Maliens sans doute, qu'il
soit arrivé un peu tard. Mais le groupe est difficile,
tout va dépendre du match d'ouverture contre le
Liberia. Les joueurs ne doivent surtout pas faire de fixation
sur Weah.
Zéphyr : Selon
vous quelle équipe va remporter la CAN 2002 ?
(Sourire). Je ne suis pas devin ! J'attends des surprises.
Je ne fais pas confiance aux équipes qui joueront
ensuite le mondial car je crois qu'elles auront déjà
la tête en Corée du Sud et au Japon. Derrière,
c'est très difficile. Plus que jamais, c'est une
compétition très ouverte. Aucune équipe
ne domine actuellement le football africain. A titre d'exemple,
les difficultés rencontrées par le Nigeria
sur la route du Mondial. Je n'ai pas de favori, je vais
quand même me méfier du Ghana et de la Côte
d'Ivoire.
Jojo : Ce nouveau trophée,
qui en est le concepteur ?
Le nouveau trophée a été conçu
en Italie par une société italienne. Dans
l'esprit, il ressemble énormément au trophée
mis en jeu dans la Coupe du monde. Il est beaucoup plus
beau que le précédent.
magass : En terme de pourcentage,
quel est l'impact d'un entraîneur sur une bonne
équipe comme le Sénégal, le Cameroun
?
C'est une question à laquelle il n'est pas possible
de répondre. La base, quand même, c'est d'avoir
de bons éléments sur le terrain. L'entraîneur
doit être à la fois un agitateur d'idées
et un homme capable de tirer le meilleur de ses joueurs,
individuellement et collectivement. On a souvent dit et
c'est intéressant que les joueurs camerounais pouvaient
se passer d'entraîneur.
Ce qui naturellement est faux. Une équipe aura
toujours besoin d'un regard extérieur pour s'améliorer
et en particulier du regard le plus proche qui est celui
de l'entraîneur. Son apport est inquantifiable.
jeandusen : En faisant
jouer onze prof. sans automatisme n'a-t-on pas une sélection
nationale plus qu'une équipe nationale ?
On est d'accord. Je pense qu'aujourd'hui nous avons trois
football africain. Le football des équipes nationales
composées parfois à 100% de professionnels
qui n'est donc pas le football africain. Il y a derrière
le football des grands clubs d'Afrique : égyptiens,
tunisiens et quelques autres, qui rémunèrent
bien les joueurs et qui constituent une exception. Et
puis, il y a le reste avec des championnats dominés
par une ou deux équipes, toujours les mêmes,
et derrière, un vaste marais. L'exode massif dessert
le foot africain, c'est une évidence. Ce qui me
gêne, c'est que lorsque la CAF choisit les meilleurs
footballeurs africains de l'année, son choix se
porte presque exclusivement sur des joueurs qui ne sont
jamais en Afrique. Samuel Kuffour sera peut-être
l'élu de 2001. Il n'a pas joué une seule
fois en Afrique cette année. Il y a là une
anomalie. Il faudrait que les responsables des fédérations
aient le courage de moduler le rappel des expatriés
car en fait, qu'est-ce que l'on dit aux jeunes, si tu
veux être sélectionné, pars d'abord
à l'étranger !
edem : Que pensez-vous
des entraîneurs africains qui dirigent les équipes
nationales africaines ?
Jean-Paul Akono a conduit le Cameroun au titre olympique.
Pour moi, c'est forcément un bon ! Lorsque les
équipes de jeunes du Nigeria ou du Ghana vont au
Mondial cadets ou junior, elles y vont toujours avec un
entraîneur national. Et les résultats n'ont
cessé d'être bons ! Il y a en Afrique de
très entraîneurs. Mais les dirigeants ont
des moyens de pression sur eux qu'ils n'ont pas sur les
expatriés. J'ai suggéré à
la CAF de demander à l'UEFA, dans le cadre de leurs
accords, que les grands clubs européens et les
équipes nationales en phase de préparation
avant un match puissent accueillir des entraîneurs
de clubs ou d'équipe nationale africaine afin qu'ils
voient à l'oeuvre ceux qui passent pour être
les meilleurs. Je crois avoir été entendu.
Zéphyr : Depuis
que vous couvrez le foot africain, quel joueur vous a
le plus marqué ?
Roger Milla ! Il y a un match extraordinaire qu'il a livré
à Yaoundé en 1985 en finale de la coupe
intercontinentale contre l'Arabie Saoudite. Sans doute
le match le plus plein qu'il n'ait jamais disputé.
Il y a bien sûr ceux que tout le monde a vu en 1990
en Italie. En fait, Roger, je le crois n'a pas été
bien entouré, bien conseillé. Il me fait
penser à un autre très grand joueur dont
il avait bien des qualités : Johann Cruyff. Et
je n'oublierai jamais Roger jonglant avec une balle de
tennis alors que ses camarades s'entraînaient avant
un match de Coupe du monde. Ce qu'il faisait avec ses
crampons était digne des meilleurs spectacles de
music-hall.
vulic : Y aura-t'il un
site spécial sur RFI pendant la CAN ?
Tout à fait ! On va essayer de faire ce qui n'a
jamais été fait jusqu'à présent,
mais je ne peux pas vous en dire plus.
Merci beaucoup, Gérard
Dreyfus, le mot de la fin ?
C'est déjà terminé ! Je suis intarissable
sur le football africain qui vous le savez je pense constitue
mes plus beaux souvenirs de journaliste sportif. Voilà
plus de trente ans que je m'efforce de le servir, je crois
que je ne pourrai le quitter que lorsqu'une équipe
africaine sera championne du monde. J'aurais le sentiment
que mes paroles et mes écrits n'auront pas été
totalement inutiles. Si vous voulez que je m'arrête,
dites à nos cinq représentants de toucher
la toison d'or l'année prochaine au Japon. Et merci
à tous !
Le
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(prononcez «tchat») est un dialogue
en direct sur Internet entre une personnalité
invitée par RFI et les internautes.
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collectées ensuite par un journaliste de
RFI qui organise la discussion en triant les questions
et en les soumettant à l’invité.
A savoir :
Le «chat»
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