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Santé

L’obésité tue de plus en plus d’Américains

L’obésité rattrape le tabagisme dans le palmarès des causes de mortalité aux Etats-Unis. Elle a été à l’origine de 400 000 décès en 2000 alors que la consommation de cigarettes en a provoqué 435 000. Au pays où les «fast-food» sont rois, la tendance à la hausse très rapide du nombre de personnes obèses inquiète les autorités sanitaires.
Cent vingt-neuf millions d’Américains en surcharge pondérale dont 59 millions d’obèses, cela fait beaucoup. Et surtout, cela fait de l’obésité la deuxième cause de mortalité aux Etats-Unis derrière le tabac. Ces chiffres annoncés par les Centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC) sont d’autant plus inquiétants qu’ils mettent en valeur une progression très rapide, ces dernières années, des conséquences de l’obésité sur la santé des Américains. En dix ans, l’obésité a provoqué 100 000 décès supplémentaires aux Etats-Unis, alors que dans le même temps, l’augmentation du nombre de morts dues à la consommation de cigarettes a été de 35 000. Tant et si bien que Julie Gerberding, la directrice des CDC, a estimé qu’il s’agissait d’un phénomène «tragique» et que si la tendance se poursuivait, l’obésité allait rapidement devenir la première cause de mortalité dans le pays.

Cette analyse est confirmée par une autre étude sur le même thème réalisée par la Rand Corporation et publiée par le journal Health Affairs, dans laquelle il est avancé que l’augmentation du nombre d’obèses dans la population américaine pourrait bien remettre en cause les bénéfices obtenus grâce aux progrès médicaux réalisés ces dernières années. L’auteur de l’étude, Roland Sturm, explique, en effet, que «l’augmentation continue des surcharges pondérales», facteurs de diabète, cancers et maladies cardiovasculaires, pourrait, par exemple, entraîner une augmentation des invalidités de 18% pour les hommes et 22% pour les femmes entre 2000 et 2020. Et qui dit invalidité, dit du même coup prise en charge et dépenses. Fléau sanitaire, l’obésité est aussi amenée à devenir facteur de coûts supplémentaires pour les Américains. D’ici 15 ans, les ressources financières allouées à la santé devraient, par exemple, augmenter de 7% dans la classe d’âge des 50-69 ans.

George W. Bush a perdu huit kilos en 2003

Pour le secrétaire à la Santé américain, Tommy Thomson, le constat est sévère : «Nous sommes simplement trop gros». Et une prise de conscience rapide est nécessaire pour limiter les ravages du fléau de l’obésité aux Etats-Unis : «Les Américains doivent comprendre que le surpoids et l’obésité sont littéralement en train de nous tuer… Apprendre que les mauvaises habitudes alimentaires et l’inactivité sont sur le point de dépasser la consommation de tabac comme cause principale des décès aux Etats-Unis devrait inciter tous les Américains à agir pour protéger leur santé».

Ces propos, entre sermon et encouragement, illustrent bien la position américaine concernant le problème de l’obésité. Pour le gouvernement, il revient à chacun de manger moins et mieux, mais aussi de faire plus d’exercices. Car ce sont en effet les mauvaises habitudes alimentaires (trop de sodas, de graisses, de sucre) et l’inactivité physique qui représentent les principaux facteurs du surpoids et de l’obésité. Et c’est donc avant tout à chaque individu d’agir pour protéger son capital santé. Le président Bush a d’ailleurs donné l’exemple en perdant près de huit kilos en 2003 et en se fixant l’objectif d’en perdre encore deux en 2004, comme l’a expliqué Tommy Thomson. C’est aussi en vertu de ce point de vue que les membres de la chambre des Représentants envisagent d’adopter un texte qui limite la possibilité d’engager des procès qualifiés de «futiles» contre les chaînes de fast-food en les accusant d’être à l’origine de l’obésité de leur client. Une décision qui pourrait éviter de nouveau ennuis judiciaires à la société McDonald’s qui a déjà été confrontée à cette situation.

La position américaine sur l’obésité est loin de faire l’unanimité. Elle est même largement critiquée, notamment au sein de l’Organisation mondiale de la santé où un projet de stratégie mondiale pour l’alimentation, l’exercice physique et la santé, destiné à endiguer la progression de l’obésité sur la planète, est en préparation. Lors de la dernière session du comité exécutif de l’organisation, en janvier, les représentants américains ont en effet émis de nombreuses réserves sur les mesures proposées dans ce plan, qui ont été interprétées comme une tentative de protéger les intérêts des puissants lobbies de l’industrie alimentaire américaine, farouchement opposés à la campagne mondiale de lutte contre l’obésité qui veut promouvoir le retour à une alimentation saine. L’argumentation des Etats-Unis a été notamment remise en cause par la France, la Grande-Bretagne et la Chine qui estiment, au contraire, que l’implication des autorités sanitaires est totalement indispensable pour améliorer les comportements nutritionnels de la population.



par Valérie  Gas

Article publié le 10/03/2004