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Comores

Accord entre les îles

L’accord de réconciliation nationale intervenu samedi 20 décembre 2003 augure d’un nouveau départ pour l’Union des Comores. Après cinq années de rudes négociations, les trois îles autonomes, constituant la partie indépendante de l’Archipel, ont enfin trouvé un terrain d’entente.
Des îles autonomes dans un ensemble comorien plus que jamais renforcé : toute une rhétorique était née de l’accord-cadre signé à Fomboni en 1999. Au nom du retour à la «normalité constitutionnelle», le colonel Azali Assoumani, arrivé au pouvoir par un putsch, promettait à tous ces concitoyens une bonne gestion de «transition vers la démocratie». Un nouvel ensemble comorien, dans lequel Mayotte, restée française depuis 1974, n’avait pas l’air de trouver une réelle place, devait naître sous le contrôle de la communauté internationale, à la suite de cette profession de foi.

Ce projet devait mettre fin aux dérives sécessionnistes, exprimées par des mouvements à caractère populiste sur l’île d’Anjouan. Mais à force d’incompréhensions entre les parties en présence, ledit projet s’est soldé par une impasse constitutionnelle de taille. Quatre présidents pour un Etat constitué de trois petites îles. Trois exécutifs pour chacune de ces îles (Anjouan, Mohéli, Grande Comore), devenues autonomes par la force des choses, avec un «super président» à leur tête, dont la tâche principale serait de fédérer les différentes entités insulaires sous le drapeau commun d’une nouvelle Union des Comores.

Un exercice peu évident, dans la mesure où Azali, élu président de l’Union en 2002, semblait n’avoir aucune prise sur les trois exécutifs cités. En Grande-Comore, Abdou Soulé Elbak s’est mis à défier son pouvoir, en empiétant sur les prérogatives de l’Union. A Anjouan, le colonel Mohamed Bacar s’est mis à fonder un Etat dans l’Etat, en menaçant à chaque fois de rompre les engagements pris aux débuts du processus de réconciliation nationale. A Mohéli, Mohamed Said Fazul, quant à lui, jouait à monter les enchères. A force de jouer au chat et à la souris, les uns et les autres se sont retrouvés dans une situation impossible, où rien dans ce projet étatique aux «contours inédits ne pouvait véritablement prendre corps».

Des problèmes de compétence entre l’Union et les îles autonomes se sont révélés assez vite «insolubles», engendrant par la même occasion des tensions insurmontables entre les dirigeants. L’armée du colonel Azali, paniquant et tirant sur la foule un jour d’Aïd El Fitr, a récemment prouvé les limites de ce jeu, qui remettait sans cesse en cause la «phase transitoire» nécessaire à la mise en place des nouvelles institutions. Une situation à laquelle un sommet régional, coordonné par la troïka de l’Union Africaine, sous l’égide du président sud-africain Thabo Mbeki, avec le soutien des pays de la région, a apporté une réponse quasi-définitive ce samedi 30 décembre 2003.

Dans un premier temps, des élections législatives vont pouvoir se tenir, afin d’élire les parlements des îles et de l’Union. L’assemblée fédérale aura à régler une bonne fois pour toutes la question des «compétences partagées» entre l’Union et les îles, en votant des lois organiques. Une phase du processus de réconciliation qui devrait ensuite permettre la relance de la machine économique. Les Comores sont restés complètement bloqués depuis cinq ans, suite aux événements dits d’Anjouan. Ce nouvel accord semble donc satisfaire l’opinion publique comorienne.

Dans les milieux politiques, les leaders d’opinion ont applaudi des deux mains. Youssouf Saïd Soilih, secrétaire général de l’exécutif de la Grande-Comore, invoque toutefois la prudence. «L’accord permet aux îles d’aborder la transition dans des conditions meilleures que celles qu’elles connaissaient jusqu’ici, mais nous attendons bien entendu sa mise en œuvre pour vérifier cette amélioration» disait-il il y a encore quelques jours à nos confrères de l’AFP, ajoutant aussitôt comme pour mieux insister sur d’éventuels couacs : «L’appel du corps électoral est prévu dans les deux semaines suivant la signature de l’accord, et la mise en marche de ce processus suppose évidemment que le budget soit assuré».

«La vigilance s’impose»

La communauté internationale, qui veille au grain, n’a pas manqué de signifier son soutien pour la poursuite du processus, afin de rassurer les parties comoriennes. Le comité de suivi sera ainsi présidé par l’Union Africaine et comprendra des représentants des pays de la région, de l’Union Européenne, des Nations Unies, du FMI et de la Banque mondiale notamment. Le ministre français délégué à la coopération, Pierre-André Wiltzer, qui assistait au sommet, a fait une déclaration allant dans ce sens, tout en rappelant que «la vigilance s’impose» pour éviter toute déception face à l’immense espoir occasionné par ce rendez-vous.

Quelques questions demeurent néanmoins sans réponses. Ainsi, de Mayotte dont on ne sait plus vraiment la place que lui réserve désormais le milieu politique comorien. Après avoir longtemps réclamé cette île aux autorités françaises, avec l’appui des Nations Unies, et au nom du droit des peuples à hériter de leurs frontières coloniales, au nom également d’une histoire commune remontant aux temps pré-coloniaux, les autorités comoriennes ne paraissent plus du tout s’y intéresser. L’Union des Comores signifierait-elle son ancrage définitif dans l’ensemble français ? A en croire les observateurs sur place, le sommet de Moroni a pratiquement évité la question qui fâche.



par Soeuf  Elbadawi

Article publié le 24/12/2003