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Le CNRS prêt à se réformer

A l’heure où le CNRS est critiqué pour son «immobilisme» et une «mauvaise répartition de ses moyens», sa direction veut «recentrer ses missions», et ne plus assumer une «mission globale de pilotage» de la recherche, comme il en était chargé à sa création il y a 65 ans.
Sur le fond de grande tourmente qui ébranle la recherche publique et l’université -ayant conduit plus de 30 000 personnes dans les rues mardi dernier, et plus de 1000 directeurs de laboratoires et responsables d’équipe à démissionner d’après le collectif Sauvons la recherche publique et l’université- Gérard Mégie et Bernard Larrouturou, le président et le directeur général du CNRS, ont présenté hier leur projet de réforme pour le CNRS, visant à améliorer l’efficacité du premier centre de recherche français.

Un pré-rapport d’audit de l’Inspection générale des Finances (IGF) a mis à mal la gestion du CNRS et critiqué son mode de fonctionnement, dénonçant un manque d’efficacité de l’institution âgée de 65 ans, son «immobilisme» et une «mauvaise répartition de ses moyens».
Reconnaissant dans un premier temps que le CNRS «souffre d’une image brouillée» qui freine son rayonnement, Gérard Mégie et Bernard Larrouturou ont estimé qu’il fallait «clarifier les missions», et ont présenté mercredi un projet de réforme dont l’ambition est notamment de le faire devenir d’ici 2010 l’organisme de recherche européen «leader».
Il s’agit donc actuellement, a reconnu le président du CNRS Gérard Mégie, de «définir le placement de la recherche publique en général, et la place du CNRS dans cette recherche», un projet, a précisé la direction, qui «va faire l’objet d’une concertation approfondie aussi bien en interne qu’avec les principaux partenaires du CNRS» au cours des trois prochains mois.

Le CNRS, a ajouté son directeur général, Bernard Larrouturou, «doit cesser de se présenter comme un organisme de recherche fondamentale». Celle-ci doit rester «le socle de son activité» mais le centre doit s’impliquer dans un «continuum formation–recherche-innovation», affirmant une «vision positive et moderne des relations entre sciences et techniques, entre recherche publique et entreprises, entre sciences et société», pour au final aller vers plus de mobilité. Le navire-amiral de la recherche doit rester étroitement associé aux universités et aux écoles, «amplifier son dialogue stratégique avec ses principaux partenaires de l’enseignement supérieur» et «renforcer ses relations avec les autres organismes de recherche à l’échelle nationale et au niveau local». Les deux réformateurs préconisent une réorganisation en huit régions et le renforcement du rôle du conseil scientifique de l’établissement, chaque région étant dotée d’un directeur ayant une vision «territoriale donc pluridisciplinaire» de son action. Si, en ce qui concerne le développement de la recherche universitaire, le CNRS a joué un rôle vital, «il convient d’engager celle-ci sur la voie d’une plus grande autonomie», tout en considérant que les universités «ne sont pas toutes du même niveau», et qu’elles devront réformer leur mode de gouvernance, revoir l’évaluation de leur recherche, et qu’il faudra leur accorder plus de moyens pour les faire sortir de «l’état de misère» dans lequel elles vivent.

«Modifier la composition du comité d’évaluation»

La direction du CNRS propose de «modifier la composition de son comité d’évaluation», où siègeraient pour moitié des personnalités scientifiques nommées, ce qui réduirait le nombre des représentants syndicaux élus, et correspondrait mieux aux «méthodes d’évaluation en vigueur partout ailleurs»: ce comité noterait et classerait les centres de recherche des universités et des grandes écoles, mais aussi les différents laboratoires du CNRS. Cette notation aurait ensuite un impact sur le recrutement et la promotion des chercheurs: pluriannuels, financement et recrutement privilégieraient des secteurs de recherche et des équipes jugés prioritaires et performants. Les tâches confiées au comité d’évaluation devraient être allégées, et sa tâche d’évaluation devrait porter sur l’ensemble des laboratoires de recherche des universités, des écoles et du CNRS.

Par ailleurs, ces laboratoires, Bernard Larrouturou et Gérard Mégie les souhaitent «plus importants»: «Le CNRS a aujourd’hui trop de laboratoires de tailles trop diverses et surtout trop petites, ce qui rend son dispositif très dilué et émietté». Ils préconisent un «regroupement de certaines unités» (plus de 1200 laboratoires actuellement). Leurs moyens techniques et financiers ainsi mutualisés, et de tailles plus importantes, les laboratoires seraient alors davantage visibles sur la scène internationale et vivifiés par la compétition. Le CNRS a besoin de prendre ses marques dans le paysage de la future Europe de la science, et d’inscrire ses laboratoires dans des «pôles d’excellence» qui seront financés par l’Union européenne. Les deux réformateurs espèrent accroître le pourcentage de chercheurs non-français d’environ «25% contre 12% aujourd’hui» d’ici 2015. «Il serait regrettable que les questions d’emplois et de crédits restent les seules à mobiliser l’attention de la communauté scientifique. Son rang dans la compétition internationale dépend, dans une large mesure, de sa capacité à évoluer pour rendre le dispositif de recherche national plus dynamique plus ouvert et plus performant» estiment les dirigeants. En créant des «gros laboratoires», il est ainsi suggéré de créer un grand pôle sciences de la vie qui regrouperait à la fois le CNRS, le département du CEA concerné, l’Inra et l’Inserm, et de faire la même concentration dans les technologies de l’information entre le CEA, le CNRS, et l’Inria.

Bernard Larrouturou a fait savoir qu’il regrettait que le rapport établi par l’IGF, réalisé à l’automne dernier, ait été rendu public, «une anomalie» dit-il puisqu’il était destiné à rester «confidentiel». Il a précisé lors d’une conférence de presse: «Les évolutions que nous proposons ne sont pas sans rapport avec les critiques formulées dans ce rapport».



par Dominique  Raizon

Article publié le 11/03/2004

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