Entreprises
Grandes manœuvres dans la pharmacie
Le groupe pharmaceutique français Sanofi-Synthélabo lance une offre publique hostile sur le groupe franco-allemand Aventis afin de constituer le troisième groupe pharmaceutique mondial. L’attaqué rejette l’opération mais ne devrait pas être en mesure de riposter.
Version moderne et capitalistique de l’histoire biblique de David et Goliath, le 15e groupe pharmaceutique mondial, le Français Sanofi-Synthélabo se porte acquéreur de la majorité du capital de bien plus gros que lui, le 7e groupe mondial, le franco-allemand Aventis pour une valeur de 48 milliards d’euros.
La proposition lancée lundi par Sanofi d’un échange d’actions Aventis avec surprime est dénoncée comme une OPA-OPE hostile par Aventis qui a officiellement rejeté l’opération. Du côté de l’«agresseur» on la justifie par la nécessité d’aller vite en ce domaine, là où une offre amicale oblige à de longues négociations. Or, pour le PDG de Sanofi Jean-François Dehecq, l’occasion est trop bonne: Aventis est, selon lui, «une maison fragilisée et le moment était venu de le faire». Bien que les ventes de Sanofi dans la pharmacie n’atteignent pas la moitié de celles d’Aventis une croissance plus soutenue dans la plus petite entreprise fait que sa valeur boursière est proche de celle de la plus importante des deux.
L’objectif de ce projet de fusion est de porter la nouvelle entité au rang de troisième groupe pharmaceutique mondial derrière l’Américain Pfizer et le Britannique Glaxo. A eux deux, Sanofi-Aventis représentent théoriquement 21,6 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2003 et 4,4 milliards d’euros de recherche et développement. C’est bien cette force de frappe en matière de recherche et d’exploitation de molécules nouvelles qui est la motivation principale des artisans de la fusion. Leur surface financière doit également leur permettre de rivaliser avec les plus grands groupes mondiaux tout en évitant de se faire manger par eux.
Approbation du gouvernement
Le gouvernement français ne s’y est pas trompé. Francis Mer, ministre de l’Economie et des finances, a jugé «plutôt positif» un tel rapprochement. Les analystes estiment d’ailleurs que le soutien du gouvernement français à cette fusion rendra difficile l’intervention d’un groupe étranger qui serait tenté par le rôle du «chevalier blanc» se portant au secours d’Aventis.
De son côté le ministre des Affaires sociales François Fillon se félicitait de la constitution de «géants européens dans tous les domaines industriels qui soient capables de damer le pion ou du moins de résister aux Etats-Unis ou aux grandes entreprises asiatiques». Il y voit même, à terme, des conséquences positives possibles sur l’emploi. Telle n’est pas du tout l’opinion des syndicats dont la CGT qui qualifie ce projet de «monopoly pharmaceutique» et craint la perte d’un nombre «colossal» d’emplois sur les 103 000 salariés que comptent, dans le monde, Sanofi et Aventis.
Engagé dans la périlleuse réforme de l’assurance maladie, le gouvernement doit compter avec le secteur pharmaceutique, source importante de dépenses du système de santé. Sauf que la réduction des coûts, réalisée par les laboratoires grâce aux absorptions, n’a pas automatiquement de répercussions sur le prix des médicaments. On se souvient notamment de la politique d’obstruction des grands mondiaux de la pharmacie pour éviter le développement des médicaments génériques.
De nombreuses fusions ont été réalisées au cours des dernières années dans un secteur économique de première importance mais très fragmenté. Des rapprochements et des absorptions en tous sens ont pour but de réduire les coûts y compris dans le secteur de la recherche qui, plus encore, que dans d’autres activités industrielles conditionne le développement et la rentabilité des entreprises.
Déjà, en 1999, le groupe Aventis est né de la fusion du Français Rhône-Poulenc et de l’Allemand Hoechst, tandis que, la même année, le rapprochement de Sanofi, filiale d’Elf Aquitaine et de Synthélabo, appartenant à L’Oréal, donnait naissance au groupe actuel. En 2000 le numéro deux mondial était constitué de la fusion entre les Britanniques GlaxoWellcome et SmithKline Beecham. Enfin, en 2003, Pfizer rachetait Pharmacia Corp. ce qui lui permettait de porter sa part de marché à 10% du total des médicaments délivrés sur ordonnance dans le monde.
A écouter également :
Philippe Pignarre, auteur de «Le grand secret de l'industrie pharmaceutique» aux éditions La Découverte au micro de Philippe Lecaplain (27/01/2004, 6'08")
La proposition lancée lundi par Sanofi d’un échange d’actions Aventis avec surprime est dénoncée comme une OPA-OPE hostile par Aventis qui a officiellement rejeté l’opération. Du côté de l’«agresseur» on la justifie par la nécessité d’aller vite en ce domaine, là où une offre amicale oblige à de longues négociations. Or, pour le PDG de Sanofi Jean-François Dehecq, l’occasion est trop bonne: Aventis est, selon lui, «une maison fragilisée et le moment était venu de le faire». Bien que les ventes de Sanofi dans la pharmacie n’atteignent pas la moitié de celles d’Aventis une croissance plus soutenue dans la plus petite entreprise fait que sa valeur boursière est proche de celle de la plus importante des deux.
L’objectif de ce projet de fusion est de porter la nouvelle entité au rang de troisième groupe pharmaceutique mondial derrière l’Américain Pfizer et le Britannique Glaxo. A eux deux, Sanofi-Aventis représentent théoriquement 21,6 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2003 et 4,4 milliards d’euros de recherche et développement. C’est bien cette force de frappe en matière de recherche et d’exploitation de molécules nouvelles qui est la motivation principale des artisans de la fusion. Leur surface financière doit également leur permettre de rivaliser avec les plus grands groupes mondiaux tout en évitant de se faire manger par eux.
Approbation du gouvernement
Le gouvernement français ne s’y est pas trompé. Francis Mer, ministre de l’Economie et des finances, a jugé «plutôt positif» un tel rapprochement. Les analystes estiment d’ailleurs que le soutien du gouvernement français à cette fusion rendra difficile l’intervention d’un groupe étranger qui serait tenté par le rôle du «chevalier blanc» se portant au secours d’Aventis.
De son côté le ministre des Affaires sociales François Fillon se félicitait de la constitution de «géants européens dans tous les domaines industriels qui soient capables de damer le pion ou du moins de résister aux Etats-Unis ou aux grandes entreprises asiatiques». Il y voit même, à terme, des conséquences positives possibles sur l’emploi. Telle n’est pas du tout l’opinion des syndicats dont la CGT qui qualifie ce projet de «monopoly pharmaceutique» et craint la perte d’un nombre «colossal» d’emplois sur les 103 000 salariés que comptent, dans le monde, Sanofi et Aventis.
Engagé dans la périlleuse réforme de l’assurance maladie, le gouvernement doit compter avec le secteur pharmaceutique, source importante de dépenses du système de santé. Sauf que la réduction des coûts, réalisée par les laboratoires grâce aux absorptions, n’a pas automatiquement de répercussions sur le prix des médicaments. On se souvient notamment de la politique d’obstruction des grands mondiaux de la pharmacie pour éviter le développement des médicaments génériques.
De nombreuses fusions ont été réalisées au cours des dernières années dans un secteur économique de première importance mais très fragmenté. Des rapprochements et des absorptions en tous sens ont pour but de réduire les coûts y compris dans le secteur de la recherche qui, plus encore, que dans d’autres activités industrielles conditionne le développement et la rentabilité des entreprises.
Déjà, en 1999, le groupe Aventis est né de la fusion du Français Rhône-Poulenc et de l’Allemand Hoechst, tandis que, la même année, le rapprochement de Sanofi, filiale d’Elf Aquitaine et de Synthélabo, appartenant à L’Oréal, donnait naissance au groupe actuel. En 2000 le numéro deux mondial était constitué de la fusion entre les Britanniques GlaxoWellcome et SmithKline Beecham. Enfin, en 2003, Pfizer rachetait Pharmacia Corp. ce qui lui permettait de porter sa part de marché à 10% du total des médicaments délivrés sur ordonnance dans le monde.
A écouter également :
Philippe Pignarre, auteur de «Le grand secret de l'industrie pharmaceutique» aux éditions La Découverte au micro de Philippe Lecaplain (27/01/2004, 6'08")
par Francine Quentin
Article publié le 26/01/2004