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Epidémie

Grippe aviaire: santé publique contre intérêts économiques

Même si l’épidémie de grippe aviaire continue à se propager et à faire des victimes, plusieurs pays semblent désireux d’assouplir les mesures destinées à lutter contre la contamination. Les conséquences économiques de l’abattage des poulets expliquent en grande partie cette tentation, largement condamnée par l’Organisation mondiale de la santé qui estime que les intérêts en jeu ne justifient pas de mettre en danger des vies humaines en prenant des décisions prématurées.
L’Organisation mondiale de la santé a décidément bien du mal à faire respecter ses recommandations en matière de lutte contre la grippe aviaire. Malgré des mises en garde répétées contre les risques liés à une mutation du virus qui pourrait ouvrir la porte à la contamination entre humains et l’appel à la transparence concernant l’évolution d’une épidémie potentiellement dangereuse pour la santé des populations, les pays concernés font la sourde oreille.

Le Vietnam, qui est pourtant l’Etat le plus touché avec quatorze morts enregistrés, vient par exemple d’annoncer qu’il abandonnait l’abattage systématique des poulets dans un rayon de trois kilomètres autour des élevages contaminés, pourtant recommandé comme la principale mesure susceptible d’empêcher la propagation du virus. Cette décision a été justifiée par le ministre de l’Agriculture, Le Huy Ngo, qui a déclaré: «Si nous continuons à détruire la volaille en masse, il sera difficile pour le secteur de se remettre de l’épidémie». Et d’ajouter: «Quand l’épidémie est forte et s’étend rapidement, il est nécessaire de tuer tous les poulets dans un rayon de trois kilomètres mais maintenant qu’elle est à peu près contrôlée, ce n’est plus nécessaire». Trente millions de volailles sur un total d’environ 250 millions ont, en effet, été abattues au Vietnam. Et le gouvernement estime que cela a permis de stopper la progression de l’épidémie, qu’il espère même officiellement réussir à contrôler d’ici la fin du mois de février.

Les embargos seront maintenus

L’OMS et l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) ne partagent pas du tout cette vision optimiste de l’évolution de la maladie au Vietnam. Anton Rychener, le porte-parole de la FAO à Hanoï, a d’ailleurs déclaré: «Ce n’est pas un problème que sera réglé en quelques semaines et nous l’avons fait savoir au gouvernement». Les organisations ont émis les mêmes réserves à propos de l’annonce du vice-Premier ministre thaïlandais, Somkid Jatusripitak, qui a affirmé: «Je pense que la Thaïlande sera le premier pays asiatique à éradiquer la maladie». Une déclaration qui pourrait s’accompagner de la levée des mesures de quarantaine préconisées par la FAO pour limiter les risques de propagation du virus. Déjà mise en cause pour sa lenteur à reconnaître la présence de la grippe aviaire dans ses élevages, Bangkok est aujourd’hui critiquée pour son empressement à annoncer que l’épidémie est en passe d’être endiguée. Theresa Tam, épidémiologiste de l’OMS, a ainsi redouté à ce propos qu’un fléchissement de la lutte ait pour conséquence de provoquer une deuxième vague de contamination et a estimé que «tout n’a pas encore été fait pour minimiser le risque dans le domaine de la santé publique».

Car c’est bien au niveau du danger potentiel de transmission du virus aux humains que se placent les organisations internationales. Et de ce point de vue, l’OMS estime que les gouvernements des pays asiatiques concernés ont trop tendance à vouloir étouffer l’ampleur de l’épidémie pour préserver leurs intérêts économiques, quitte à ne pas prendre toutes les dispositions pour éviter une crise sanitaire. Bjorn Malgaard, représentant de l’organisation en Thaïlande, a déclaré que «l’économie et l’agriculture pesaient trop lourdement dans les décisions prises par les gouvernements» et que «plus d’attention devait être portée au risque encouru par les humains».

Dans tous les cas, et quelles que soient les déclarations officielles des Etats sur l’évolution de l’épidémie, optimistes ou pas, la plupart des pays importateurs de volailles asiatiques ont décidé d’appliquer le principe de précaution et de mettre en place des embargos sur les poulets en provenance de cette région. En Europe notamment, où le commissaire à la Santé David Byrne a fait part de sa préoccupation face à la gestion de l’épidémie au Vietnam et en Thaïlande, et a prévenu que le retour des poulets asiatiques sur les marchés européens ne serait de toute manière pas autorisé sans un avis favorable de la FAO.



par Valérie  Gas

Article publié le 10/02/2004

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