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Liban

Le Hezbollah prend une stature régionale

Le Hezbollah a enregistré un immense succès en obtenant la libération de centaines de détenus libanais, palestiniens et arabes, en contrepartie de celle d’un homme d’affaire israélien et de la restitution des corps de trois soldats de Tsahal. Placé sur la liste américaine des organisations terroristes, le parti islamiste libanais a pris une stature régionale et s’est forgé une respectabilité internationale, grâce à cet accord.
De notre correspondant à Beyrouth

Le plus important échange jamais conclu entre le Hezbollah et Israël était à peine terminé que le secrétaire général du parti islamiste menaçait d’enlever à nouveau des soldats israéliens pour les utiliser comme monnaie d’échange. S’adressant à une foule de plusieurs dizaines de milliers de partisans en présence des ex-détenus, sayyed Hassan Nasrallah a dit: «La prochaine fois, je vous promets que nous les capturerons vivants !». Martelant ses mots devant la foule survoltée, il a réaffirmé que le Hezbollah n’abandonnerait pas «la voie de la résistance» armée, estimant que ceux qui avaient choisi la négociation ont échoué.

Par ce discours musclé, Nasrallah a voulu démentir les analyses d’une partie de la presse libanaise et arabe selon lesquelles son parti, après avoir obtenu gain de cause dans l’affaire de l’échange avec Israël, abandonnerait une fois pour la lutte armée et recentrerait son action sur la politique.

Mais le Hezbollah ne semble pas vouloir se contenter de ce succès, pourtant très important. Après trois ans de négociations indirectes avec Israël, il a obtenu la libération de 23 détenus libanais dont deux importants cadres islamistes, Abdel Karim Obeid et Moustapha Dirani, 400 palestiniens, un Allemand (converti à l’islam, il est accusé d’être un membre du Hezbollah) et une trentaine de ressortissants arabes. L’État hébreu a également rendu les corps de 60 combattants anti-israéliens. En contrepartie, le Hezbollah a libéré un homme d’affaire et colonel de réserve israélien Elhanan Tanenbaum, enlevé en octobre 2000, et a restitué les dépouilles de trois soldats de Tsahal, tués quelques jours auparavant.

Une médiation allemande

L'échange s’est déroulé sur l’aéroport de Cologne, en Allemagne, qui a joué le rôle de médiateur dans cette laborieuse négociation. Deux des ex-détenus libanais, recherchés par la justice de Beyrouth, ont préféré ne pas revenir au Liban. Le premier est resté en Israël, le deuxième en Allemagne. A leur retour, les autres ont eu droit à un accueil triomphal. Dès l’apparition dans le ciel de Beyrouth de l’avion militaire allemand qui les transportait, un immense feu d’artifice a été tiré et des navires dans le port de la capitale ont fait rugir leurs sirènes. Une marée humaine, sur laquelle flottaient des milliers de drapeaux libanais et du Hezbollah, était massée dans le périmètre de l'aéroport et sur la route menant à la banlieue sud de Beyrouth.

Les deux premiers à sortir de l'avion ont été Abdel Karim Obeid, en turban blanc, et Moustapha Dirani. Le premier était incarcéré depuis 1989 et le deuxième depuis 1994. «Ma venue à Beyrouth me donne le sentiment de renaître», a dit cheikh Obeid en foulant le sol libanais. Tous les ex-détenus, en costume flambant neuf et souriant à la foule venue les accueillir, ont défilé sur un tapis rouge devant une haie d'honneur alors que la fanfare de l'armée entonnait une marche militaire. Avant de rejoindre leurs proches, ils ont salué un à un les dirigeants libanais au complet, le chef du Hezbollah, et les dignitaires religieux, musulmans et chrétiens qui les attendaient sur le tarmac de l'aéroport.

Les ambassadeurs d'Allemagne, de l'Union européenne, le représentant au Liban du secrétaire général de l'Onu Kofi Annan, ainsi que le nonce apostolique étaient notamment présents. L'Iran aussi a envoyé un représentant en la personne de Ali Akbar Mohtachami.

Au milieu des feux d'artifice et entourés d'une foule en délire, les ex-détenus se sont ensuite rendus en convoi dans une immense salle de la banlieue sud pour participer à une réception populaire. C’est à cette occasion que Hassan Nasrallah a évoqué la seconde phase de l’échange qui devrait se dérouler dans «deux ou trois mois». Celle-ci consiste en la libération par Israël du doyen des détenus libanais, Samir Kantar, en contrepartie d’informations «substantielles» sur le navigateur israélien Ron Arad, dont l’avion avait été abattu au Liban, en 1986.

Kantar, un druze qui n'est pas du Hezbollah, a été condamné en 1980 à 542 ans de prison pour avoir tué deux civils et un policier israéliens, en 1979. Dans le discours qu’il a prononcé lors de la réception populaire, Nasrallah a assuré que son parti allait déployer des efforts pour tenter de déterminer le sort du navigateur israélien. Mais il a remis sur le tapis l’affaire des diplomates iraniens disparus au Liban en 1982. Selon lui, ces diplomates avaient été capturés par une milice libanaise pendant la guerre qui les avait ensuite remis aux Israéliens. Cependant, une source diplomatique occidentale citée par le quotidien libanais al-Hayat est venue confirmer une information qui circule au Liban depuis plusieurs années et selon laquelle les quatre diplomates avaient été exécutés par la milice chrétienne des Forces Libanaises, quelques temps après leur enlèvement.

Fort de son succès actuel, Nasrallah a haussé la barre de ses exigences: La seconde phase doit comporter non seulement des informations sur les quatre diplomates iraniens et la libération de Samir Kantar, mais également celles de Yéhia Skaff et Nassim Nisr. Toutefois, Israël ne reconnaît pas la présence dans ses prisons de Skaff, membre d’un commando du Fatah de Yasser Arafat qui avait attaqué un bus en Israël, en 1978. Quant à Nassim Nisr, il refuse d’en parle avec le Hezbollah parce qu’il est détenteur de la nationalité israélienne. En réalité, Nisr est originaire du même village que Nasrallah au Liban-Sud. De mère juive, il avait été envoyé pour infiltrer la société israélienne avant d’être démasquer et arrêté.

Pour obtenir satisfaction dans les trois prochains mois, le Hezbollah n’hésitera pas à capturer «vivants» des soldats israéliens, a menacé Nasrallah. Au même moment, à Jérusalem, Ariel Sharon a prévenu que «l'État d'Israël ne tolèrera pas qu'un ennemi ou une organisation terroriste systématise les enlèvements et les demandes de rançon». «Il existe des moyens que nous n'avons pas encore utilisés, mais, que Dieu nous en garde, nous n'hésiterons pas à utiliser si les circonstances devaient se présenter», a poursuivi le Premier ministre israélien lors d'une cérémonie solennelle organisée pour le rapatriement des dépouilles des trois soldats israéliens.



par Paul  Khalifeh

Article publié le 30/01/2004

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