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Corée

Destitution mouvementée du président sud-coréen

Le parlement sud-coréen a voté, à une large majorité, la destitution du président Roh Moo-hyun. Accusé de ne pas avoir respecté son devoir de neutralité en s’exprimant en faveur de l’un des partis en lice pour les élections législatives qui doivent se dérouler au mois d’avril 2004, Roh Moo-hyun a aussi fait les frais du scandale provoqué par les accusations de corruption dont certains membres de son entourage ont fait l’objet. La procédure de destitution engagée par les parlementaires de l’opposition provoque une crise politique inédite dans le pays.
Cris, pleurs, menaces, altercations : la séance du parlement sud-coréen à l’issue de laquelle le président Roh Moo-hyun a été destitué, ne s’est pas déroulée dans le calme, loin s’en faut. Les partisans du chef de l’Etat ont essayé de s’opposer au vote sur la motion déposée par deux partis d’opposition, le Parti Démocrate du Millénaire (MDP) et le Grand Parti National (GPN), majoritaires au Parlement. Quelques dizaines d’entre eux ont occupé le siège du président de la Chambre dans l’espoir de réussir à empêcher le scrutin. Ils ont finalement été délogés par des agents de sécurité. Mais l’évacuation a été houleuse.

Malgré ces incidents, les parlementaires ont été au bout de leur tentative en votant, par 193 voix contre deux, en faveur de la destitution du président. Seuls une cinquantaine de membres du parti Uri, favorables au chef de l’Etat, ont préféré s’abstenir. Ce vote a entraîné immédiatement la suspension des pouvoirs de Roh Moo-hyun et son remplacement par le Premier ministre, Goh Kun, qui doit assurer l’intérim en attendant que la Cour constitutionnelle confirme, ou pas, la destitution du président. C’est en effet cette instance qui aura le dernier mot et elle peut tout à fait décider de réinstaller Roh Moo-hyun dans ses fonctions. La cour a débuté, dès vendredi, l’examen de la décision du parlement et son président a promis une «procédure rapide et parfaite». Elle devrait donc statuer avant le terme du délai de six mois qui lui est imparti pour trancher.

Une popularité en chute

Le président destitué a appelé les ministres à travailler «avec une détermination extraordinaire et sans la moindre défaillance» durant cette période troublée. Il a aussi présenté ses excuses pour avoir plongé le pays dans une crise politique sans précédent. Mais il s’est montré relativement confiant quant à l’issue de la procédure dont il fait l’objet : «Je m’attends à ce que la cour prononce un jugement basé sur la loi qui sera différent de la décision politique».

Toute cette affaire qui a pris des allures rocambolesques, a été provoquée par des propos du président dans lesquels il a annoncé son intention de soutenir le nouveau parti Uri lors des élections législatives, prévues pour le 15 avril prochain. La commission électorale a estimé que le président avait enfreint les règles en prononçant une déclaration partisane et l’opposition a saisi l’occasion pour engager une procédure de destitution, que certains observateurs jugent exagérée pour une «infraction mineure».

Ce dérapage verbal succède à d’autres incidents qui ont participé à éroder la popularité du président depuis son arrivée au pouvoir il y a environ un an. L’élection de Roh Moo-hyun, avocat et défenseur des droits de l’homme, d’origine modeste, avait provoqué la surprise et suscité des espoirs. Mais rapidement, le président a vu sa cote chuter notamment à cause des accusations de corruption proférées à l’encontre de certains membres de son entourage et d’un scandale provoqué par l’implication de conglomérats dans des financements illégaux des partis politiques, qui l’a éclaboussé. Dans un contexte économique difficile pour le pays, où la crise provoquée par les ambitions nucléaires de la Corée du Nord a accentué les craintes, Roh Moo-hyun n’a pas réussi à rétablir la confiance. On lui a d’ailleurs reproché d’avoir entretenu l’incertitude en annonçant à plusieurs reprises qu’il envisageait de se retirer. Récemment, il a encore évoqué cette possibilité si son camp n’obtenait la victoire aux législatives.

La procédure de destitution engagée contre Roh Moo-hyun, qui plonge le pays dans une grave crise politique, risque d’avoir des implications économiques et de compromettre la timide reprise constatée dans le pays. Dès l’annonce du vote du parlement, la bourse de Séoul a d’ailleurs chuté de 2,5 %. Elle est aussi susceptible d’engendrer un certaine instabilité. Plusieurs centaines de partisans du président sont, en effet, déjà descendus dans la rue pour manifester contre une destitution «injuste». Même si Roh Moo-hyun a appelé au calme, l’armée et la police ont été placées en état d’alerte.



par Valérie  Gas

Article publié le 12/03/2004

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Bibliographie

[15/08/2000]