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Corse

Sarkozy s’en prend à la «mafia»

Pour sa dixième visite en Corse, le ministre français de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, a affiché clairement la couleur. Exit le changement de statut refusé par les insulaires lors du referendum du 6 juillet dernier, il s’agit maintenant de s’attaquer aux réseaux mafieux qui noyautent l’île et bloquent toutes les réformes, dont certaines sont absolument nécessaires pour permettre à la Corse de rattraper son retard sur le plan économique. C’est d’ailleurs ce thème qui a été au centre des discussions du ministre avec les élus locaux.
«J’ai eu la naïveté de penser qu’une discussion loyale pouvait avoir lieu avant que la neutralisation du système mafieux soit achevée. J’ai sans doute sous-estimé son implantation en Corse.» Cette déclaration de Nicolas Sarkozy dans une interview au quotidien Le Monde, publiée la veille de son arrivée sur l’île, n’a pas manqué de susciter des réactions sarcastiques de la part des représentants de l’opposition qui se sont interrogés sur le sens d’un tel aveu. François Hollande, le Premier secrétaire du Parti socialiste, s’est ainsi étonné du fait que le ministre de l’Intérieur ait mis «dix-huit mois à s’informer de l’existence d’un système mafieux en Corse». Dans le cas de Nicolas Sarkozy, «naïveté» avouée ne semble donc pas être à moitié pardonnée. Car la ficelle paraît un peu grosse et François Hollande analyse cette déclaration autrement : «Que le ministre ait fermé les yeux sur cette réalité prouve qu’il n’a pas toujours le sens de la bonne réactivité, ce qui peut surprendre».

Au-delà des joutes oratoires au sein du microcosme politique dans lequel les affaires corses fournissent un véritable fonds de commerce, la dixième visite du ministre de l’Intérieur [et la deuxième depuis le référendum] sur l’île, mais surtout le nouveau ton adopté à cette occasion et les objectifs définis dans la gestion du problème corse, sont révélateurs d’un changement de cap. Dorénavant, le dialogue est soumis à une condition préalable : l’éradication de la peur. Et pour ce faire, Nicolas Sarkozy ne voit désormais qu’un seul moyen : s’«attaquer à l’argent du crime… obtenu par le racket, le plastiquage ou l’économie souterraine», qui constitue selon lui «la base du système mafieux».

«Le nouvelle méthode» corse

Ce qui est dit reste à faire et à ce niveau, les travaux pratiques ont commencé par le leader nationaliste Charles Pieri visé implicitement par une information judiciaire ouverte au mois de septembre par le juge Philippe Courroye, pour «abus de biens sociaux», «escroquerie à la TVA», «association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste». Récemment des perquisitions ont d’ailleurs été menées dans l’entourage du nationaliste et notamment dans un hôtel de Saint-Florent géré par sa fille, qui ont permis de découvrir des virements «troublants» au profit de Pieri.

Cette enquête a eu pour effet de relancer les attentats, dont certains ont visé directement des policiers qui avaient participé aux perquisitions. Ces manifestations de violence destinées à répondre à la nouvelle politique gouvernementale ont d’ailleurs amené Nicolas Sarkozy à prendre acte de la «pertinence» de l’enquête au centre de laquelle se trouve Charles Pieri qui fait figure d’exemple. Du point de vue des nationalistes, cette détermination à s’attaquer à «l’argent du crime» est assimilée à «une dérive répressive» qu’ils entendent bien combattre avec toutes les armes. La violence en est une, le boycott de Nicolas Sarkozy, une autre. C’est dans cette logique que la veille de la visite du ministre, le FLNC-Union des Combattants, le principal mouvement nationaliste clandestin, a revendiqué, en guise de défi, neuf attentats perpétrés récemment contre des symboles de l’Etat. C’est pour les mêmes raisons que les huit élus de Corsica Nazione, le groupe nationaliste de Jean-Guy Talamoni, ont refusé de participer aux entretiens avec Nicolas Sarkozy à son arrivée à Ajaccio. Face aux nouvelles méthodes du ministre de l’Intérieur, les dix mouvements nationalistes, souvent divisés, sont tentés de faire front commun. A l’occasion d’une manifestation à Ajaccio mercredi, ils ont ainsi engagé l’Etat à s’orienter vers une «solution négociée» et assuré qu’ils étaient prêts à participer à «une sortie de crise», si tant est que ce qu’ils appellent la «répression systématique» soit stoppée.

Réponse du berger à la bergère, Nicolas Sarkozy, qui a mis au programme de sa visite le commissariat d’Ajaccio et la gendarmerie de Propriano, cibles d’attentats, a réitéré son point de vue dès son arrivée sur l’île. Il a ainsi déclaré: «Il faut abattre ce système mafieux qui met la Corse en coupe réglée, c’est l’argent qui corrompt les idées», ajoutant : «Ce n’est pas un nouveau discours, c’est une nouvelle méthode». La conclusion logique de cette politique est donc très claire : «Chez les nationalistes, ceux qui condamnent la violence et vivent de leur travail, sont les bienvenus pour discuter, ceux qui mettent les cagoules ne sont pas invités».

Quant au reste, le ministre de l’Intérieur a fait ce qu’il était venu faire. A savoir signer des conventions qui vont permettre, dans le cadre de la loi du 22 janvier 2002, le transferts de 81 agents de l’Etat vers la collectivité territoriale de Corse, dont l’objectif est de permettre d’élargir les compétences de cette dernière. Mais aussi régler le problème de la dette des agriculteurs auxquels une enveloppe de 25 millions d’euros est réservée, ou encore mettre en place des dispositifs fiscaux pour inciter la création d’entreprises. Nicolas Sarkozy n’a pas exclu, non plus, certaines adaptations des lois montagne et littoral pour la Corse. Et il a apporté son soutien au projet de télévision numérique par satellite destiné à l’île qui devrait aboutir dans l’année 2004. Pour le ministre de l’Intérieur, le développement économique de la Corse est désormais un gage de réussite de l’ensemble de la politique gouvernementale car «tant que l’on ne proposera pas un emploi et un avenir aux jeunes Corses, certains seront tentés par le pire».



par Valérie  Gas

Article publié le 30/10/2003

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