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Mondialisation

L’Afrique prépare son Forum social mondial

Peu d’Africains ont pu faire le déplacement de Bombay en Inde pour le 4ème Forum social mondial (FSM), mais cette sous-représentation a servi d’argument aux uns et aux autres pour évoquer une situation africaine encore plus grave qu’ailleurs. Les organisateurs sont convenus de la tenue du Forum social mondial en Afrique en 2006, après un retour à Porto Alegre en 2005.
L’Afrique était sous représentée au Forum social mondial à Bombay, mais elle était présente à travers des sujets qui «restent communs à tout le monde, mais vécus avec plus d’acuité selon les endroits» affirme Aminata Traoré, ancienne ministre du Mali et grande militante associative, de retour de Bombay. Lors de sa conférence de presse au centre d’accueil de la presse étrangère à Paris, elle surtout mis l’accent sur la capacité de l’Afrique à faire valoir «qu’elle ne reste pas l’éternelle oubliée dans grands rendez-vous», a-t-elle précisé. Elle a choisi de recentrer le débat, du point de vue africain, sur des sujets concrets qui font aujourd’hui le quotidien des Africains.

Le discours des alter mondialistes africains «n’est pas un repli sur soi», affirme-t-elle en insistant sur la latitude à pouvoir choisir en toute connaissance de cause «avec qui et par il est possible de commercer». Aminata Traoré déplore le manque de volonté politique des dirigeants africains qui ne permet pas cette liberté de choix. Elle dénonce le système des grandes institutions financières internationales qui reprennent le même schéma «que le discours colonial». Dans l’un et l’autre cas, la dépendance de l’Afrique vis-à-vis de l’extérieur reste une constante que la logique du libéralisme tend à prouver qu’elle reste la seule issue possible. Demba Diop, de l’Organisation du l’unité syndicale africaine, présent au FSM à Bombay, voyait dans cette dépendance «une domination plus dangereuse et plus pernicieuse que la colonisation d’hier». Un avis que partage Aminata Traoré.

«Consommer doit avoir un sens»

Elle doute, par ailleurs, de la sincérité des dirigeants africains qui placent dans le NEPAD (Nouveau partenariat pour le développement en Afrique) tous leurs espoirs. Elle relève quelques points qui desservent cette démarche «NEPAD» qui a exclu du débat les citoyens africains mais qui veut les impliquer dans «quelque chose qui ressemble au libéralisme». Cette démarche qui est une politique de séduction pour convenir aux attentes des économies des pays riches et industrialisés «n’émancipe pas les économies africaines, mais les aligne derrière les normes définies ailleurs sans tenir comptes des besoins des hommes et même des Etats», souligne-t-elle. Cette forme de commerce tournée vers l’extérieur, recherchant des investissements étrangers ne peut participer à un développement durable des pays africains. Elle regrette que le NEPAD participe et aménage le terrain favorable à la logique du «achetez chez nous et laissez-nous envahir vos marchés» en même temps qu’on demande aux pays africains de fournir des chiffres équilibrés sur leur économie. Ces obligations participent à la paupérisation des couches moyennes au profit d’une petite élite. Pour inverser la tendance Aminata Traoré sonne la mobilisation de la société civile et des intellectuels pour «domestiquer les politiques africains». Les resituer vers les priorités locales est un travail de longue haleine et qui s’inscrit dans «les missions du Forum social africain», a-t-elle ajouté.

En choisissant le coton pour étayer ses arguments, Aminata Traoré fait également le choix de s’adresser directement aux populations productrices. L’information à la base pour montrer qu’une autre politique est possible lui semble plus porteuse que le «forcing» à la tête des Etats. Le coton produit en Afrique n’est pas subventionné contrairement à ce qui est fait ailleurs. Le constat de ce jeu déloyal doit susciter des réactions qui elles-mêmes doivent conduire à une analyse saine de la logique commerciale des pays riches, industrialisés et des firmes multinationales. Ce déficit de réflexions «pousse les pays africains à produire, pour exporter plus, mais selon des normes qui leur échappent», souligne l’ancienne ministre de la Culture du Mali. Elle lance l’initiative de «la fibre africaine» pour qu’autour du coton on évalue richesse et industrie d’un pays. Elle cite en exemple le cas du Mali : premier producteur africain mais qui ne dispose d’aucune structure de transformation, malgré sa séculaire tradition de filage, de teinture et de confection. Aujourd’hui le commerce le plus florissant est la vente de friperie, «c’est-à-dire, la récupération d’habits usés venus des pays du Nord, le comble pour le premier producteur de la matière première», déplore-t-elle.

Alors du 28 février au 4 mars, Aminata Traoré et son association «Initiative africaine pour l’éthique et l’esthétique» organisent à Bamako un forum autour de «la fibre africaine» pour créer une dynamique de propositions concrètes qui prenne aussi en compte le marché local. «Consommer doit avoir un sens», dit-elle.



par Didier  Samson

Article publié le 23/01/2004

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